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9. Les inégalités du développement

Dans les précédents thèmes on a essayé d’être relativement exhaustif. Ce ne sera pas le cas ici. En effet, il s’agirait d’étudier l’économie toute entière de pays extrèmement divers.


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9.1 Quelles mesures pour le développement ?

Une mesure commune de la richesse est le PIB par tête. Et son évolution est mesurée par la croissance du PIB par tête. Personne ne prétend que c’est un indicateur parfait, mais on considère souvent qu’il est corrélé au développement qu’il n’est pas aisé de définir. En fait le PIB par tête, en tant que mesure du développement est problématique pour plusieurs raisons. D’abord, il peut masquer de grandes disparités dans le pays. Ensuite ce peut être un très mauvais indicateur étant donné qu’une grande partie de l’économie, informelle et traditionnelle n’est pas dans les statistiques, en particulier l’agriculture familiale et les petits boulots en ville.

Enfin, le développement correspond au moins autant à des changements structurels qu’à des changements quantitatifs du niveau de production. Un indice alternatif, prenant également en compte le niveau scolaire et l’espérance de vie a été proposé, l’IDH (Indice de Développement Humain) . Avec cet indicateur le classement des pays peut varier dans des proportions importantes.

Pour certains auteurs la notion même de développement est sujette à caution. Les changements structurels et quantitatifs correspondant au développement seraient en fait les changements qui ont été observés pour les sociétés occidentales et il n’est pas certain qu’il y ait ni une fatalité ni un intérêt à ce que les pays en voie de développement se développent comme les pays développés.


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9.2 La dette

Dans les années 70, la crise et la faiblesse des investissements dans les Pays Développés à Economie de Marché (PDEM) a conduit les prêteurs à accepter des emprunts des Pays En voie de Développement (PED) qui par ailleurs ont besoin de capitaux et des potentialités de croissance importantes, en particulier en raison du faible coût de la main d’œuvre. Dans de nombreux pays, cependant, la rentabilité des investissements n’a pas été suffisante, entre autres parce que les travailleurs n’étaient pas assez formés, et une grande partie de l’argent a été utilisée pour des dépenses militaires ou somptuaires, ou purement détournée. De plus, les termes de l’échange, qui sont le rapport des prix des produits exportés sur le prix des produits importés n’ont cessé de se dégrader pour les pays exportateurs de matières premières (hors pétrole).

Ensuite, les politiques de hausse des taux afin de lutter contre l’inflation dans les PDEM ont impliqué une augmentation très importante du service de la dette (qui est indexée sur les taux longs américains). En plus, la crise et les politiques de rigueur ont induit une baisse de la demande de la part des PDEM, et induit une baisse des exportations ainsi que des cours des matières premières. Le Mexique est entré en cessation de paiement en 1982 suivi par de très nombreux autres pays (dont l’Inde, la Côte d’Ivoire et bien d’autres).

Pour éviter la contagion des faillites financières, les PDEM ont accepté le réechelonnement de la dette et une annulation en partie. En échange, le FMI impose une austérité budgétaire afin que la dette de l’Etat diminue, des dévaluations pour favoriser les exportations et diminuer les importations, une libéralisation des économies pour diminuer la dette et pour que les entreprises puissent faire faillite, alors que les Etats ne peuvent pas, et des hausses des taux d’intérêts internes afin de favoriser l’épargne. Ce retour à l’équilibre financier s’est soldé par des récessions nombreuses, une baisse de l’investissement et des importations et une augmentation des inégalités à l’intérieur des pays. De nouvelles crises (Mexique en 1994, Argentine récemment qui était pourtant le bon élève du FMI) continuent de se produire. Cependant la situation s’est améliorée pour de nombreux pays (en particulier avec la baisse des taux).


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9.3 Les firmes multinationales et le dualisme

Le dualisme, c’est la coexistence au sein d’une économie de trois secteurs. Au départ, il n’y en avait que 2 sectuers de considérés d’où le nom. Il y a le secteur dit moderne, en général tourné vers l’exportation, dans lequel les multinationales sont présentes, avec des méthode de production proches de celles ayant lieu dans les PDEM. Ensuite on trouve le secteur dit traditionnel, caractérisé par un mode de production hérité du passé, agricole. Et enfin il y a un secteur dit informel, de petits métiers en ville, non déclarés, parfois illégaux répondant plutôt à une logique de survie et non pas d’accumulation. En France, ce secteur est également présent et correspond au travail au noir et à l’économie illégale. Il est caractérisé, dans les PED par un coût d’entré faible et une multi-spécialisation.

Ces secteurs échangent peu de biens encore que le secteur moderne puisse sous-traiter au secteur informel. En effet, le secteur traditionnel est centré sur l’autosuffisance avec une épargne et une accumulation très faible, voire négative si on regarde l’accumulation par tête. Le secteur moderne utilise des consommations intermédiaires importées, exporte les produits et est composé pour partie de capital étranger, les profits sont donc rapatriés. Il échange très peu avec les autres secteurs, et n’a en général pas d’effet d’entraînement sur les autres secteurs, ni au niveau de la demande ni au niveau de la redistribution, en particulier parce que les salaires sont relativement faibles. Les salaires sont tout de même plus importants dans le secteur moderne et une redistribution de solidarité a lieu mais pas suffisament pour dégager une épargne. Seuls des mouvements de main-d’œuvre ont lieu entre ces secteurs. Dans certains pays, cependant, en particulier les pays d’Asie du sud est, les multinationales sont relativement contrôlées et peuvent jouer un rôle dans le développement.

L’existence du dualisme a pour conséquence qu’une comparaison avec le développement des PDEM n’est pas forcément pertinente.


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9.4 Commerce mondial et spécialisation

Globalement les PED sont peu insérés dans le commerce mondial, à l’exception du pétrole et des pays exportateurs d’Asie du sud est.


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9.4.1 Spécialisation dans les ressources naturelles

Deux situations relativement différentes. D’une part les pays spécialisés dans les produits primaires, et d’autre part les pays pétroliers.


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9.4.1.1 Exportations de produits primaires

Dans ce cas une première difficulté provient de la déterioration des termes de l’échange. En théorie, pour les ressources minérales, épuisables et également pour les produits agricoles, étant donné la finitude des terres, les prix devraient augmenter avec la rareté. Le progrès technique, en particulier la diminution des coûts de transport expliquent en partie ces diminutions de prix. Une autre théorie permet d’expliquer cette évolution. Suivant cette théorie, les travailleurs ne sont pas mobiles ce qui induit que les salaires sont plutôt rigides tandis que le capital est mobile de telle sorte que sa rentabilité est à peu près la même partout dans le monde. Dans ce cadre, ce sont avant tout les salaires qui vont déterminer les prix relatifs. Or, dans les PDEM les salaires ont augmenté, tandis que dans les PED ils ont stagné.

Au niveau des produits agricoles les excédents agricoles des PDEM liés aux politiques agricoles et à l’efficacité de l’agriculture industrielle au niveau des quantités aggravent encore la baisse des prix.

Ce sont également des pays où le dualisme est très prononcé, il n’y a pas d’effet d’entraînement car toutes les consommations intermédiraires en particulier les engrais et autres produits chimiques, ainsi que les machines proviennent des PDEM, les profits sont placés dans les PDEM et les productions agricoles nourrissent les habitants des PDEM.


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9.4.1.2 Exportations de produits pétroliers

Les prix pétroliers, au contraire ont plutôt eu tendance à rester élevés. Ceci a eu pour conséquence des flux de devises importants vers les pays pétroliers. Ils se sont rapidement développés et industrialisés dans les années 70 avec mise en place d’un Etat providence.

Cependant, dans de nombreux pays, en particulier des pays du Golfe les investissements ont eu lieu dans des secteurs très peu rentables, les importations de produits de luxe sont importantes et le taux de change s’est apprécié ce qui a eu pour conséquence une baisse de la rentabilité des industries en concurrence sur les marchés mondiaux. Seules les industries protégées (en particulier construction, tertiaires) et le pétrole ont profité de la rente. En Arabie saoudite, par exemple l’Etat est déficitaire et le taux de d’alphabétisation est très faible. Il reste encore des réserves pétrolières mais le pays ne s’est pas vraiment développé.

L’Indonésie, par contre, en maintenant un taux de change faible a pu développer l’industrie et maintenir l’agriculture. par contre le pays reste très endetté et des dépenses ou investissement inutiles, en particulier au profit des dirigeants continuent d’avoir lieu.


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9.4.2 Spécialisation dans l’exportation de produits manufacturés

Les pays qui se sont engagés dans cette voie ont cherché à valoriser leur main d’œuvre bon marché. Ils ont commencé par se spécialiser dans le boût de chaîne, l’assemblage, qui requiert beaucoup de main d’œuvre. Ensuite ils ont peu à peu remonté la chaîne, jusqu’à faire de l’industrie lourde, qui a ensuite été utilisée pour faire de la construction, en particulier de la construction navale en Corée du sud. Enfin certaines industries technologiques sont maintenant la spécialité de certains de ces pays (Taïwan) qui ont une main d’œuvre relativement qualifiée, et de la même façon cette spécialité a été acquise en remontant les filières.

Certains pays d’Asie du Sud Est ont particulièrement bien réussi ce type de développement, mais d’autres facteurs ont joué. D’abord l’aide extérieure, en particulier américaine, qui, pour des raisons géostratégiques a mis en place toutes les infrastructures dans ces pays. Ensuite une situation de départ peu inégalitaire et une organisation sociale qui a permis la mobilisation d’une épargne intérieure importante qui a évité la crise de la dette. Enfin, un Etat fort qui a empêché la hausse des salaires, qui a encadré l’industrialisation et a contrôlé les multinationales. Les salaires ont néanmoins augmenté dans ces pays et la crise financière de 1997 a révélé l’essoufflement de ce modèle, cependant ces pays ont déjà quasiment rattrapé les PDEM.

L’Ile Maurice est un autre exemple de pays qui a réussi à passer de l’exportation de produit agricole, le sucre de canne, à une industrie légère, en particulier textile. Ce sont les propriétaires des grandes exploitations, donc du privé qui ont investi. Le tourisme a également été une source de revenu. C’est un cas intéressant dans lequel l’initiative privée a été à la source du développement, mais c’est aussi une exception.

C’est la Chine, le Mexique, le Brésil et dans une certaine mesure l’Inde qui sont désormais dans cette dynamique.


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9.4.3 Industries lourdes ou substitutions aux importations

L’idée derrière cette stratégie c’est qu’il est possible de passer d’une économie non développée, agricole avec un taux d’épargne faible à une économie moderne. Mais pour cela il ne faut pas être soumis à la concurrence internationale (stratégie de l’Allemagne, du Japon, des USA). Cette stratégie permet de profiter d’une technologie déjà mûre.

Pour pallier l’insuffisance de l’épargne, il faut utiliser les capitaux étrangers empruntés, et prélèver sur l’agriculture. Le problème c’est que seule l’exportation permet de dégager des devises permettent de rembourser les investisseurs. Or, ces industries ne sont pas compétitives, et l’agriculture ne se développe pas étant donné que les investissements ne vont pas vers elle. Il faut aussi une importation de biens manufacturés permettant de mettre en place l’investissement.

Au final ces pays sont mal placés dans la division internationale du travail bien qu’ayant besoin de capitaux de savoir faire et équipements. Le rôle de l’Etat est également souvent important il subventionne ou protége des industries peu efficaces. Il peut également forcer les taux à rester bas, ce qui permet de rembourser facilement la dette de l’Etat et de favoriser l’investissement industriel, mais cette politique décourage l’épargne.

Cette stratégie a eu des résultats assez peu probants, en particulier il n’y a pas eu d’entraînement de l’agriculture. L’explosion de la dette a mis un terme à ce type de développement et les stratégies d’ajustement du FMI ont pris le relais. Pour pouvoir profiter de l’aide du FMI les pays se sont ouverts, et maintenant sont plutôt des pays exportateurs. Pour autant leur développement n’est pas forcément réussi et les résultats sont contrastés (Chili a plutôt réussi, Argentine va mal).


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9.5 Les disparités au sein des pays en développement


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9.5.1 L’agriculture

Tout d’abord, le développement de l’agriculture n’est pas le même dans tous les pays. Outre la grande culture d’exportation, deux stratégies sont possibles. D’un côté passer directement à une grande agriculture moderne, de l’autre la réforme agraire avec redistribution des grands domaines entre petites exploitations. Un objectif de la réforme peut être d’effectuer une redistribution, et également d’augmenter l’efficacité de l’agriculture, avec l’idée que les agriculteurs seront plus productifs si ils récupèrent le produit de leur travail. Certains pays d’Asie du sud est et l’Inde ont suivi la voie de la modernisation rapide. L’autosuffisance en céréales a été atteinte, au prix d’un investisssement et donc d’un endettement couteux, mais surtout d’une mise à l’écart d’une population importante.

La réforme agraire a été bien réussie en Corée du Sud et à Taïwan où des techniques adaptées aux petites tailles des parcelles ont été impulsés par l’Etat. Une partie de l’industrialisation légère s’est faite sur place et à permis un entraînement important. Les réformes agraires dans les autres pays n’ont pas été vraiment efficaces, la petite taille des exploitations empêchant la mécanisation, le progrès technique ne pénétrant pas.

Dans les pays où il y a une production pour l’exportation, il y a en général un autre désavantage pour l’agriculture du secteur traditionnel, qui est que la colonisation a transformé les modes de production et en particulier les meilleures terres sont pour l’exportation.

La question de la sous-alimentation se pose toujours dans certaines régions, mais l’étude d’un certain nombre de famines montre que ce n’est pas tellement l’offre qui est trop faible, mais le groupe concerné par la famine n’a plus assez de revenus pour acheter les produits agricoles qui ont renchéris en cas de mauvaises récoltes.


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9.5.2 Population

Les PED sont également différemment impactés par l’accroissement de la population. Les pays d’Asie du Sud Est ont pu mettre à profit cet accroissement pour augmenter leur production. Mais en Afrique, l’accroissement de population est plus rapide que l’investissement de telle sorte que la quantité de capital par tête régresse. Le SIDA a encore tendance à aggraver ce problème, car il touche particulièrement les actifs.

Face à l’accroissement démographique, la Chine a mis en place un programme autoritaire de réduction des naissances, avec à la fois une diffusion de la contraception et des incitations économiques et sociales à la famille avec enfant unique. Ce pays reste très peuplé mais cette politique a porté ses fruits en stoppant l’accroissement démographique. En Amérique du Sud, la transition démographique est amorcée, la natalité commence à diminuer mais reste élevée. Dans les autres pays la croissance de la population reste préoccupante, en particulier en Afrique et en Inde où les ressources naturelles sont en train d’être épuisées peu à peu.


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9.5.3 La pauvreté

La pauvreté enfin reste importante dans de nombreux PED. Elle a régressé dans les pays pétroliers, et dans certains pays d’Asie du Sud Est mais reste importante partout ailleurs. La différence entre le secteur moderne et les autres secteurs expliquent pour partie cette pauvreté, mais pas uniquement. Les plans d’austérité impulsés par le FMI ont également renforcé les inégalités. Cependant il faut noter que l’Etat providence n’est pas toujours efficace pour corriger ces inégalités car il protège déjà ceux qui n’en n’ont pas forcément besoin et a servi des intérêts catégoriels dans le cadre de clientélisme électoral en particulier. Les structures traditionnelles ou informelles peuvent à cet égard être efficaces pour permettre une certaine redistribution.

Le chômage est également important, à la fois dans le secteur traditionnel (déguisé) mais aussi à la ville. Le secteur informel peut alors permettre d’atténuer les difficultés.

En Amérique du Sud, après des années difficiles le niveau de production antérieur a été retrouvé et les perspectives de croissances sont bonnes, ainsi qu’en Inde, même si les inégalité peuvent être très importantes. En Afrique la situation économique est assez préoccupante. La croissance par tête est négative dans de nombreux pays. L’Etat a impulsé un certain développement, mais d’une façon très inefficace en s’appuyant essentiellement sur l’aide internationale et l’endettement. Les plans de stabilisation du FMI ont eu pour conséquence un désengagement de l’Etat et une désindustrialisation. L’épargne et l’investissement intérieurs sont très faibles d’une part parce que dans le secteur traditionnel l’épargne est très faible, très inégalement répartie et n’est pas dirigée vers l’industrialisation, voire même réinvestie dans les PDEM, et que les multinationales rapatrient les bénéfices. Les capitaux internationaux, de plus ne sont pas investis en Afrique mais en Amérique du Sud ou en Asie. Enfin les guerres, pour les terres, la rente, ou encore liées aux conflits d’intérêt des PDEM sont encore fréquentes.


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9.5.4 Des progrès généraux

Des progrès ont néanmoins été enregistrés de façon générale, tout d’abord au niveau de la dette qui est plus faible, mais aussi au niveau de l’alphabétisation et de la réduction de la mortalité. D’intéressantes initiatives locales existent, parfois en lien avec des ONG. On peut citer, par exemple les banques des pauvres, permettant de financer les projets en général très rentables d’éducation et d’activité mais qui ne trouvent pas de financement par les banques, ou à des taux très élevés.


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Ce document a été généré le le 29 octobre 2010 par Patrice Dumas en utilisant texi2html 1.82.