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2. La prise en compte des impacts environnementaux localisés

Dans le précédent chapitre il s'agissait surtout de problèmes de gestion, de redistribution des richesses et de formation des prix, rendus plus délicats par les temps longs et l'irréversibilité qui caractérisent les ressources naturelles. Dans ce qui suit des questions plus spécifiques de l'économie de l'environnement vont être traitées, il s'agit des pollutions et des services rendus par l'environnement. Pour commencer nous allons nous intéresser à ces questions lorsque l'effet est localisé, c'est à dire qu'il ne touche qu'un agent et qu'il n'est produit que par un agent.


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2.1 Les externalitées

Dans le cas d'une pollution il s'agit d'une action dommageable, non volontaire d'un agent sur l'autre. Le même type d'interactions, mais de nature positive peuvent également avoir lieu. L'exemple fondateur est celui de l'arboriculteur et de l'apiculteur. Les abeilles de l'apiculteur pollinisent les arbres de l'arboriculteur qui font des fruits et les arbres de l'arboriculteur nourrissent les abeilles avec le nectar et le pollen. Il s'agit d'un effet bénéfique croisé involontaire entre les deux activités.

En économie ces deux situations sont regroupées dans un unique cadre conceptuel, celui des externalitées, qui peuvent être positives ou négatives. Toutes les actions involontaires d'un agent sur l'autre ne sont pas sources d'externalités, celles qui passent par un marché et par les prix sont exclues. En effet sur un marché les quantitées demandées par un agent vont avoir un effet sur le prix et sur les autres agents, mais ce n'est pas une externalité. Le mot externalité fait d'ailleurs référence à des effets externes au marché. Il y a donc externalité lorsque les actions d'un agent influencent le bien-être d'un autre agent, sans que cette action ne passe par un marché.

Dans le cas d'une externalité il est possible d'améliorer le sort d'au moins un agent en prenant en compte cette influence. Lorsque les actions des agents sont médiées par le marché ce n'est pas le cas, et c'est pour cela que l'on considère les externalités de façon séparée.

Pour que les non-économistes puissent bien saisir la suite il faut faire un petit détour par de l'économie standard pour présenter la situation de référence qui s'oppose à une situation avec externalité. il faut également présenter le critère de bien-être communément admis pour le choix public, afin de voir en quoi la présence d'externalité implique une déviation de l'optimum social, tandis que ce n'est pas le cas avec un marché, dans une situation dite de "concurrence pure et parfaite".


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2.2 La "concurrence pure et parfaite"

Dans une situation de concurrence pure et parfaite les agents considèrent le prix comme donné. Ils choisissent la quantité qu'ils offrent ou demandent qui permet de maximiser leur utilité, si ce sont des consommateurs, ou leur profit si ce sont des producteurs. On suppose également que les échanges se font pour un prix tel que les quantités offertes et les quantités demandées sont égales. Sous certaines hypothèse de représentation des préférences des agents et de forme de fonction de coût pour les producteurs, cet équilibre est unique.

Les marchés réels n'ont pas forcément de rapport avec cette situation, pour un grand nombre de raisons. En particulier les préférences des agents et les fonctions de coût n'ont pas forcément la forme qu'il faut, les agents ne se comportent pas exactement comme dans la théorie, ils peuvent fréquement influencer les prix, spéculer, les échanges se font hors de l'équilibre, la publicité influence la demande, et les agents peuvent utiliser une information privée. Les marchés qui se tiennent sur la place du marché correspondent assez bien à cette situation, tous les autres marchés s'en éloignent plus ou moins. Cette concurrence pure et parfaite va permettre d'atteindre un optimum de bien-être social que l'on va maintenant présenter.


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2.3 L'optimum de Pareto

Le critère de Pareto est un critère normatif permettant de juger de l'optimalité collective d'une situation donnée. Il y a optimalité au sens de Pareto lorsqu'il n'est pas possible d'améliorer le bien être d'un agent sans diminuer celui d'un autre agent. Ce n'est pas du tout un critère d'équité, en effet une situation dans laquelle un agent a tout et les autres rien est un optimum de Pareto. C'est même un critère relativement inégalitaire puisqu'il empêche une véritable redistribution. C'est en revanche un critère d'efficacité, il semble pertinent d'éviter toute situation Pareto sous-optimale puisque dans ce cas on peut améliorer le sort d'un agent sans détériorer la situation des autres agents.

Un des objectifs de l'économie est de permettre d'atteindre un optimum de Pareto à partir d'une situation sous-optimale en ce sens. L'aspect redistributif est laissé au politique. On va se placer dans cette optique réductrice qui est déjà relativement riche. La concurrence pure et parfaite permet d'atteindre un optimum de Pareto. Par contre lorsqu'il y a des externalités cet optimum n'est pas atteint, par exemple un pollueur pourrait moins polluer en échange d'un dédommagement de la part des victimes de la pollution et on obtiendrait une situations peut-être inacceptable sur le plan éthique mais qui améliore le sort de tous.


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2.4 L'optimum de Pareto en présence d'externalités

Lorsque rien n'est fait les externalités négatives sont surproduites et les externalités positives sont sous-produites. Nous allons regarder plus en détail le cas d'une pollution d'une firme par une autre pour essayer de déterminer le niveau optimal de pollution satisfaisant au critère de Pareto. On suppose qu'une tannerie est située en amont d'une fabrique de bière. La tannerie rejette des eaux sales et la fabrique de bière a besoin d'eau propre. La fabrique de bière est donc obligée de dépolluer l'eau qui provient de la rivière. La tannerie qui ne se préoccupe pas de ce qui se passe en aval va polluer l'eau de façon inintentionnelle jusqu'au niveau correspondant à une activité de tannerie permettant la maximisation de ses profits.


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2.4.1 Le niveau de dépollution optimale

Si éviter de rejeter de l'eau très sale est plus rentable que dépolluer l'eau lorsqu'elle est très polluée on est dans un cas de sous-optimalité. La tannerie devrait réduire sa pollution pour permettre d'atteindre l'optimum de Pareto. La tannerie doit-elle pour autant éviter tout rejet d'eau polluée ? Si pour un niveau de pollution nulle il est moins cher de rejeter un peu d'eau polluée que d'épurer l'eau en aval la situation ne sera pas plus optimale puisqu'un peu de pollution permettrait d'améliorer la situation. Sous ces hypothèses il existe une pollution optimale qui permet d'atteindre l'optimum de Pareto.

Quel est ce niveau ? En partant d'une situation de pollution nulle, il faudra augmenter la quantité de pollution, tant que dépolluer au niveau de la tannerie (en diminuant l'activité ou en utilisant des procédés techniques) coûte plus cher que d'accepter un peu plus de polluant au niveau de la fabrique de bière. L'optimum est atteint lorsque le coût de la dépollution d'une unité de pollution supplémentaire pour la tannerie est égal au coût de cette unité additionnelle pour la fabrique de bière.


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2.4.2 Illustration de l'optimum de dépollution

Pour préciser ce résultat on va illustrer graphiquement cette situation. Sur le graphique on va figurer le coût de dépollution d'une unité supplémentaire de pollution pour la tannerie en fonction de la quantité de pollution. On suppose que c'est d'autant plus difficile de dépolluer qu'il y a déjà une pollution faible. Autrement dit le coût de dépollution d'une unité additionnelle décroît avec la quantité de pollution. Sur ce même graphique on fait figurer le gain, pour la fabrique de bière, d'une unité de pollution en moins pour tous les niveaux de pollution. On suppose que le gain est important lorsque la pollution est importante tandis qu'il est faible pour une pollution faible et donc que le gain d'une dépollution additionnelle augmente avec le niveau de pollution.

L'optimum est atteint au niveau du croisement de ces courbes. Dans ce cas le coût de la dépollution d'une unité additionnelle est égal au bénéfice retiré de la dépollution de cette unité additionnelle. Si la pollution est plus importante le bénéfice retiré de la dépollution d'une unité est plus important que le coût de cette unité additionnelle, il faut donc enlever cette unité de pollution. Le coût d'une unité additionnelle est appelé le coût marginal, tandis que le bénéfice retiré d'une unité additionnelle est le bénéfice marginal, car ces coûts et bénéfices sont retirés à la marge, pour la nouvelle unité(2).

Pollution optimale

Figure 2.1: Coût marginal, bénéfice marginal et pollution optimale

Lorsqu'il y a externalité, les coûts individuels ne reflètent pas les coûts subis au niveau collectif, par les autres agents. La pollution faite par la tannerie est source de coût pour la fabrique de bière mais ce n'en est pas un pour la tannerie, or c'est elle qui pollue. On parle de coût externe pour dénommer ce type de coûts qu'un agent fait peser sur les autres. Comme il n'y a pas de marché il n'y a pas de possibilité de prendre en compte la demande de dépollution de la part de la fabrique de bière et ce coût externe peut perdurer si rien n'est fait.

Nous allons voir plus loin les solutions aui existent pour éviter ces coûts externes. Mais auparavant il faut également considérer des cas plus complexes, avec un grand nombre d'agents affectés.


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