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5. Régulation environnementale

Nous avons vu qu'en présence d'externalités, de bien publics il est possible d'obtenir une situation plus efficace au sens de Pareto en améliorant le sort d'au moins un agent. Il s'agit maintenant de sélectionner un optimum de Pareto et se donner les moyens d'y parvenir.


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5.1 La négociation


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5.1.1 Sans bien public

Il est possible d'atteindre un optimum de Pareto pour une externalité simple. En effet les agents peuvent négocier pour effectuer un paiment en échange d'une modification du niveau de l'externalité. En reprenant l'exemple de la fabrique de bière polluée par la tannerie, si dans la situation initiale polluer est permis, alors l'agent victime de la pollution, la fabrique de bière, peut faire un contrat avec l'agent polluant pour qu'il pollue moins, contre paiement. Il est possible d'interpréter cette situation comme la création d'un marché pour la dépollution. De façon symétrique, si la tannerie n'a pas le droit de polluer, elle peut faire un contrat avec la fabrique de bière pour pouvoir polluer en échange d'un paiement.


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5.1.2 Avec bien public

Dans ce cas, une négociation multilatérale pourra ne pas aboutir, étant donné que l'on est dans le cas du passager clandestin. Sous certaines hypothèses sur le comportement des agents les agents vont mentir sur leur disponibilité à payer pour que la pollution soit réduite.

Pour illustrer ce cas de figure, on va considérer une situation dans laquelle une tannerie pollue en amont d'un lac, et sur ce lac se trouve un village, avec des habitants qui utilisent l'eau pour pêcher, boire, cuire leurs aliments ou pour s'amuser. Dans ce cas il faudrait que les villageois se mettent d'accord pour faire un contrat avec la tannerie et payent la tannerie pour qu'elle pollue moins. Les villageois vont donc se réunir pour décider du montant à payer à la tannerie en fonction de la diminution de pollution qu'elle consent. Une règle possible est de considérer que chacun met dans un pot commun en fonction de la gène qu'il subit. Dans ce cas les agents ont intérêt individuellement à se déclarer peu touché afin que ce soient d'autres agents qui payent, sachant que toute réduction de la pollution, payée par un autre agent, lui sera profitable. Au final les agents vont uniquement payer en fonction de la pollution qu'ils reçoivent personnellement, et le moins possible, les paiements seront trop faibles et on n'atteindra pas l'optimum collectif. C'est une illustration de du problème du passager clandestin et de la difficulté du financement des biens publics.


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5.1.3 La négociation en pratique

En pratique il existe un seul cas de négociation bilatérale documenté, il concerne une raffinerie de BP et une usine Volvo en Suède. L'usine Volvo avait remarqué que les fumées de la raffinerie corrodaient les voitures. Ils se sont mis d'accord pour que la raffinerie ne traite pas le pétrole de mauvaise qualité, riche en soufre, qui produit des fumées corrosives lorsque le vent était en direction de l'usine de voitures. C'est cependant une négociation partielle, car les habitants du village voisin, pourtant affectés par les fumées n'ont pas été conviés à la négociation.


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5.1.4 Les labels

La définition de labels permet également de créer un marché pour une externalité. En effet les consommateurs peuvent payer plus cher pour un bien qui possède certaines caractéristiques qui ne sont pas négociables séparément, en particulier un niveau d'externalité. Par exemple les produits ayant le label agriculture biologique sont produits en utilisant un cahier des charges précis qui correspond entre autres à une moindre pollution.

Les produits issus de l'agriculture biologique ont un certain succès, cependant la majorité des consommateurs ne les achètent pas parce qu'ils respectent l'environnement mais parce qu'ils pensent qu'ils soont meilleurs pour leur santé. Lorsqu'ils sont interrogés, les agents déclarent qu'il faut acheter les produits labellisés et qu'ils le feraient eux-mêmes, cependant, leur choix en condition d'achat est différent. C'est encore une illustration du problème du passager clandestin.


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5.2 La gestion communautaire


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5.2.1 Modes de gestion communautaires

Il est également possible de résoudre les externalités en fusionnant celui qui subit et celui qui cause l'externalité. Supposons que la fabrique de bière était prospère avant l'arrivée de la tannerie, petite entreprise familiale. Dans ce cas les possesseurs de la fabrique de bière peuvent acheter la tannerie afin de ne plus subir cette pollution et optimiser de façon interne à l'organisation cette externalité.

Dans le cas des biens publics, des modes de gestions existent qui permettent d'éviter les passagers clandestins. Par exemple le fait d'avoir une relation entre individus basés sur la réputation, ou sur une tradition de partage, des valeurs d'altruisme, des obligations religieuses ou institutionelles peut permettre une gestion efficace des ressources naturelles. Les exemples de gestion communautaire de ressources naturelles de ce type sont assez nombreux, par exemple au niveau de la gestion de l'eau en Camargue, réglée par le traité des marais depuis le dix neuvième sciècle jusque dans les années 60, ou encore dans certaines tribus un système de dons et contre-dons permet d'éviter les passagers clandestins. Lorsque les agents ont des relations répétées les passagers clandestins sont beaucoup plus facilement sanctionnés.


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5.2.2 Évolution des modes de gestion communautaires

Pour de nombreux auteurs, cependant ces modes de gestion sont en régression. Lorsque ces ressources sont en accès libre, les traditions de gestion peuvent ne pas être garantes de leur bonne utilisation en raison de l'extension des mouvements de population (en Afrique par exemple), ou de la montée de l'individualisme. Dans ca cas un certain degré de privatisation, et d'exclusion des ressources peut permettre une meilleure gestion de la ressource.

La privatisations des terres peut également affaiblir l'organisation collective autour d'une ressource partagée, comme l'eau. Cela a été le cas pour la Camargue. L'État favorise souvent l'utilisation intensive de certaines ressources, désorganise les institutions existantes et attribue les ressources qui étaient auparavant gérées collectivement à certains agents, pour des raisons avant tout politiques. Par exemple la Petite Camargue a été asséchée suite au retour des pieds noirs d'Algérie à qui des terres ont été données par l'État, qui étaient auparavant gérées par le Traité de l'eau. Un autre exemple existe, au Brésil, où, afin d'éviter une réforme agraire, des terres sont colonisées dans l'Amazonie de façon très inefficace avec l'aide de l'État.


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5.3 Les instruments de régulation

Les modes de régulation plus ou moins spontanés qui viennent d'être décrits sont tout à fait insuffisants dans le cas général. Il faut alors une régulation provenant de l'État pour permettre l'obtention d'un optimum de Pareto.

Il faut en premier lieu déterminer l'optimum de Pareto que l'on désire atteindre.


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5.3.1 Objectifs de la régulation


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5.3.1.1 Sélection d'un optimum de Pareto

De nombreux optimums de Pareto peuvent être atteints, étant donné une allocation initiale. De plus, alors que dans de nombreux cas il faudrait une compensation d'au moins un agent pour que son bien-être ne soit pas diminué, on considère que l'on peut tout de même aller à cet optimum sans que cet agent ne soit compensé, l'important étant que l'on se retrouve à un optimum de Pareto. Autrement dit on s'autorise à faire de la redistribution en augmentant l'efficacité.


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5.3.1.2 L'analyse coût bénéfice

Une technique souvent utilisée pour déterminer l'opportunité de réaliser un projet est l'analyse coût bénéfice, encore appelée analyse coût avantage. Dans ce cas on ne cherche pas à connaître toutes les conséquences possibles de chaque niveau de production d'externalité, mais on sélectionne des projets et on cherche ceux pour lesquels la somme des bénéfices dépasse la somme des coûts. Si ce projet est implémenté il y a effectivement Pareto amélioration, mais on ne sera pas forcément à l'optimum.

Cette démarche est forcément réductrice, puisque la complexité du problème et les gains et pertes des différents agents aux intérêts divergents sont sommés de façon indistincte. ainsi on s'autorise également dans ce cas à faire de la redistribution.


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5.3.2 Les instruments

Une fois que l'on a déterminé un optimum de Pareto correspondant à une production donnée d'externalité il faut des instruments permettant d'inciter les agents à produire cette quantité.


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5.3.2.1 Normes

Mettre en place une norme consiste à fixer le niveau de pollution maximal que l'agent peut émettre, on dit également un quota. En général une norme est uniforme, c'est-à-dire qu'elle est la même pour tous les agents, mais elle peut également être différenciée, et donc différente suivant l'agent. Pour forcer la production d'externalité il est également possible de mettre un quota de production obligatoire, mais c'est rare.

Lorsque les émissions de polluants ne peuvent pas être facilement mesuré, les normes peuvent être fixées sur les intrants, ou encore sur la technologie à utiliser. La norme doit être établie à un niveau tel que la somme des productions d'externalités est égale au niveau optimal, c'est un instrument en quantité. De nombreuses normes uniformes existent, on peut citer les pots catalytiques, les normes sur les rejets industriels ou encore les normes sur les rejets agricoles de nitrates. Il n'existe pas de norme différenciée à ma connaissance.


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5.3.2.2 Taxes et subventions

Une taxe (dite pigouvienne) est un montant que doit payer un émetteur pour chaque unité émise. La taxe doit être établie au niveau du coût marginal optimum, pour que les agents choisissent le niveau d'émission optimal. En effet, si un agent a un coût marginal de dépollution plus faible que la taxe il a intérêt à dépolluer plutôt que de payer la taxe. Si, par contre, le niveau de dépollution est tel que le coût de dépollution de la dernière unité est plus élevé que le niveau de la taxe, l'agent à intérêt à payer plutôt que dépolluer.

Il est également possible de subventionner l'agent pour toute unité de pollution qu'il cesse d'émettre. Dans ce cas il faut mettre le taux de subvention au niveau du coût marginal optimal, et la quantité de pollution sera la quantité de l'optimum de Pareto.

Dans les deux cas il s'agit en fait de donner un prix à la pollution émise, et ce prix est mis au niveau qui permet d'avoir la bonne quantité. La taxe comme la subvention sont des instruments en prix.


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5.3.2.3 Les taxes et subventions en pratique

Les taxes sur les polluants sont utilisées en pratique, par exemple la en France concerne le soufre et les nitrates. Il faut cependant bien noter qu'un certain nombre de taxes, par exemple les taxes sur l'essence ne sont pas des taxes à visée incitative, elles sont présentes uniquement pour récupérer de l'argent, ce sont des taxes fiscales. Si elles étaient à visée incitative elles seraient les mêmes pour tous les usages, et certainement plus élevées.

Dans le cadre des agences de l'eau un système de taxe subvention est en place. Un certain nombre d'agents responsables de la pollution de l'eau payent une taxe, ainsi les ménages payent une taxe pour chaque litre qu'ils consomment, les industriels sont également taxés en fonction de leurs rejets effectifs de polluant, tandis que les agriculteurs sont éxemptés. Les agents qui dépolluent reçoivent des subventions, qui sont intégralement prélevées sur les recettes des taxes. Ce n'est pas un système purement incitatif puisque la taxe perçue sur les ménage est trop faible pour inciter les agents à modifier leur comportement et n'est pas assise sur la quantité de polluant émise et les agriculteurs sont exemptés, mais certains aspects du dispositif sont incitatifs, en particulier vis-à-vis des industriels.

Enfin des exonérations d'impôt incitent les ménages à utiliser des procédés plus efficaces d'utilisation de l'énergie comme le solaire thermique.


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5.3.2.4 Marchés de droits

Il est également possible de créer un marché pour l'externalité. Pour cela il faut créer des droits de propriété sur l'émission du bien externe. Par suite un agent ne pourra pas émettre plus qu'il ne possède de droit. Si ces permis n'étaient pas négociables ce serait simplement une norme. Il faut donc que la somme des totale des émissions des permis soit égale à la quantité optimale d'externalité. Ces permis étant négociables les agents vont pouvoir en vendre et en acheter pour obtenir la quantité d'émissions qu'ils désirent, au prix du marché des permis.

Le prix des permis étant donné, un agent se mettra en position d'acheteur si son coût marginal de dépollution est plus élevé que ce prix, en effet, dans ce cas il vaut mieux émettre un peu plus et acheter un permis. Les agents vont acheter et vendre des permis tant que leus coût marginal est différent du prix. À l'équilibre du marché les quantités possédées par les agents sont telles que tous les coûts marginaux sont égaux au prix.

Le système de permis d'émissions négociables est un instrument en quantité, en effet c'est la quantité totale de pollution qui est fixée.

Un tel marché existe au niveau de la pollution liée au soufre aux États-Unis. Ce sont les centrales électriques qui se vendent des permis au sein d'un marché très structuré. Les permis sont initialement distribués à ceux qui sont déjà sur le marché, en fonction de leur part de marché.


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5.3.3 Minimisation des coûts de dépollution

Dans le cas d'une norme uniforme, si tous les agents pouvant émettre ne sont pas identiques, n'ont pas les mêmes coûts de dépollution marginaux, alors l'optimum de Pareto n'est pas atteint. En effet ceux qui ont un coût de dépollution élevé préféreraient émettre plutôt que dépolluer et seraient prêts à payer ceux qui ont un coût de dépollution faible pour qu'ils dépolluent à leur place, laissant la quantité de pollution totale inchangée.

En fait pour que les coûts de dépollution soient minimisés il faut que les coûts marginaux de dépollution de tous les agents soient égaux. Autrement, transférer une unité de pollution d'un agent au coût élevé vers un agent au coût faible sera rentable.

La taxe et les permis ont cette propriété de minimisation des coûts, comme on l'a vu, tandis qu'il faut une norme non uniforme plus restrictive pour les agents qui ont un coût de dépollution faible. Dans le cas du marché des permis pour le soufre aux États-Unis on est justement dans un cas où les centrales électriques ont des coûts de dépollution très différentes, certaines étant très anciennes, très polluantes et ne pouvant pas être modifiées. Des études de coûts montrent d'ailleurs que ces coûts de dépollution auraient été bien plus importants avec une norme uniforme.


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5.3.4 Incertitude et assymétrie d'information

Pour l'instant nous avons supposé que le régulateur connaissait parfaitement les coûts de dépollution, les bénéfices de la dépollution, ou les agents concernés. Dans ce cas une norme différenciée, une taxe ou des permis sont équivalents. Lorsque des incertitudes existent, ce n'est plus le cas. En fonction du type d'incertitude un instrument en prix ou en quantité sera plus adapté. Par exemple si il y a un seuil connu, au-delà duquel le bénéfice marginal augmente fortement, tandis que les coûts marginaux sont très incertains un instrument en quantité, avec une quantité maximale inférieure au seuil sera plus efficace qu'un instrument en prix, pour lequel il est possible que le seuil soit franchi.

Lorsque les agents ont des informations privées, par exemple des informations sur leurs coûts de dépollution des instruments plus compliqués peuvent être mis en place, qui incitent l'agent à rv'éler ses véritables coûts. Pour cela il faut proposer plusieurs contrats à la firme, avec pour chaque niveau d'effort un transfert vers la firme. Il faut à la fois minimiser le montant de ce transfert, cette rente informationelle, et également atteindre le résultat escompté. Ces questions sont l'objet de la théorie des contrats. Dans la pratique des instruments de ce type ne sont pas utililsés, étant trop complexes à mettre en œuvre.


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5.3.5 Coûts de transaction

Tous les instruments vus ci-dessus, de même que la négociation ou la gestion collective ont des avantages et des inconvénients. Dans un monde virtuel sans assymétrie d'information, sans fraude, sans coût d'établissement des contrats, des normes ou des marchés de permis, tous ces instruments sont équivalents. Par contre lorsque l'on prend en compte les contraintes du monde réel les instruments ne sont plus équivalents.


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5.3.5.1 Définition

Les principaux coûts qui s'imposent aux agents sont, dans le cas d'une pollution, constitués par les impacts de la pollution, les coûts de dépollution, les divers coûts liés aux achats effectués par les agents, et enfin par les transferts lorsqu'il y a une taxe ou subvention. Ce ne sont cependant pas les seuls coûts à considérer. En effet l'établissement des contrats, la détermination du niveau d'une taxe, le contrôle du respect d'une norme sont autant de coûts à considérer, qui sont nommés coûts de transaction.

On considère que ce sont les coûts de transaction qui rendent la négociation bilatérale aussi rare, et empêchent pratiquement toute négociation multilatérale. Dans ce cadre l'action de l'État apparaît comme un moyen de diminuer ces coûts de transaction, grâce à son organisation, ses capacités de financement, aux pouvoirs qui lui sont conférés et à son rôle de garant du bien public.


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5.3.5.2 Les coûts de mise en place

Quelque soit la solution envisagée, il faut financer des études ou des consultations permettant de déterminer le niveau de taxe ou la quantité de permis ou encore le niveau de la norme.

Dans le cas d'une taxe il faut mettre en place une institution permettant de récolter la taxe. Dans le cas des permis négociables il faut créer un marché. Ce n'est pas forcément une tâche aisée, en général les marchés qui fonctionnent bien, qui se rapprochent d'une situation de concurrence ne sont pas spontanés, mais nécessitent une organisation, type bourse, associée à un coût non négligeable. Ainsi certains auteurs estiment que la mise en place du système de permis négociables aux États-Unis a été finalement relativement coûteux, en tout cas bien plus qu'une taxe. Au niveau de son fonctionnement, les premières années ont été marquées par des prix trop élevés ne reflétant pas du tout les coûts de dépollution mais ces prix ont convergé durant les années suivantes vers des valeurs correspondant effectivement aux coûts réels, et ce marché a été au final plutôt efficace.

Pour une norme uniforme il n'y a pas de coût particulier, mais on a vu que dans ce cas le coût de dépollution n'est pas minimum. Pour mettre en place une norme différenciée il faut une information très importante, en effet il faut connaître les coûts de tous les agents.


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5.3.5.3 Les coûts de contrôle

Dans tous les cas il faut contrôler et sanctionner les agents qui ne respectent pas les contrats et obligations. Pour les taxes, par exemple, le niveau d'émission doit être déclaré par l'entreprise qui peut être occasionnellement contrôlée. Pour les interdictions il faut également des contrôles. À priori la sanction la plus efficace est l'amende étant donné qu'elle est relativement neutre au niveau collectif, contrairement à la prison, coûteuse pour la société comme pour l'emprisonné. Ce ne sont cependant pas forcément les réglementeurs qui sont responsables des sanction, en effet c'est souvent l'appareil judiciaire qui est chargé de sanctionner les fraudeurs, le niveau des sanctions peut ne pas être celui qu'ils auraient choisi.

Comme les contrôles sont coûteux tandis que l'amende est neutre le sysème le plus efficace devrait être des contrôles peu fréquents associés à des amendes très lourdes, restant cependant dans la limite des capacités de paiement des agents. Cependant des amendes trop lourdes ont pour effet que tous les agents qui fraudent choisissent le niveau de fraude maximal, et en pratique les amendes sont progressives. Un mécanisme permettant d'inciter les firmes à déclarer des valeurs exactes est de moduler l'amende en fonction de l'inexactitude de la déclaration. Cette technique commence à être utilisée par les agences de l'eau.

Toutes ces difficultés modifient les conditions d'application des différents instruments, en particulier la norme uniforme peut être plus aisée à contrôler, ce qui peut compenser son inefficacité en terme de minimisation des coûts.


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5.4 Effet redistributifs

Avec une norme, une firme qui polluait et doit dépolluer est perdante puisqu'elle doit subir des coûts de dépollution mais elle ne doit pas payer en plus. Dans le cas d'une taxe pigouvienne le pollueur limite ses émissions, mais, en plus, paye pour les unités de pollution qu'il émet jusqu'à la pollution optimale. Nous sommes en présence d'une situation pollueur payeur. Le cas inverse est dénommé pollué payeur.

Les effets redistributifs peuvent en général être dissociés du choix de l'instrument. Ainsi pour les instruments en prix le choix d'une taxe qui devient une subvention à un certain niveau de pollution permet d'atteindre toute allocation. Dans le cas de la négociation l'allocation initiale va déterminer l'agent en position de force. Ainsi si il est permis de polluer ce sera la victime de la pollution qui devra compenser le pollueur, tandis que si la pollution est interdite c'est le pollueur qui devra compenser les victimes de la pollution. Pour une norme des paiements forfaitaires permettent transférer du revenu à n'importe quel agent étant donné que la quantité d'externalité est de toute façon fixée.

Dans le cas des permis le mode de distribution initiale détermine l'effet redistributif. Si les permis sont distribués gratuitement il n'y a pas de transferts addtionnels, s'il sont vendus par enchère alors les pollueurs doivent payer. Si des droits correspondant à la pollution initialement émise sont distribués gratuitement aux pollueurs, le réglementeur doit acheter des permis sans les utiliser, jusqu'au niveau global d'émission souhaité. Dans ce cas c'est le principe pollué payeur qui est appliqué.

Ces considérations sont très importantes dans le choix d'un instrument ainsi que dans sa légitimation. L'absence de paiements associés aux normes explique certainement pourquoi elles sont beaucoup plus répandues que les taxes.


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5.5 Efficacité dynamique

Lorsque l'on prend en compte certains aspects dynamiques, comme les possibilités d'entrée dans un marché de nouveaux pollueurs ou l'incitation à utiliser les innovations techniques pour polluer à encore moindre coût les choix d'instruments peuvent encore être modifiés.


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5.5.1 Innovations techniques

Pour ce qui concerne l'utilisation des innovations techniques c'est la norme qui est défavorisée, en effet l'agent ne gagne rien à dépolluer plus que la norme. L'agent a intérêt à utiliser des technologies plus efficaces pour atteindre la norme, mais pas pour aller plus loin. Avec une taxe ou un marché de permis un agent qui dépollue plus gagne le montant de la taxe ou le prix des permis pour chaque unité dépolluée additionnelle, il est incité à diminuer encore plus son coût marginal. Dans ce cas il faut éventuellement ajuster les instruments.


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5.5.2 Nouveaux entrants

Si les pollueurs sont dédommagés pour moins polluer, autrement dit, lorsque l'on est dans un système pollué payeur, l'existence de cette rente va pousser de nouvelles firmes à entrer dans la branche. Il est donc plus efficace de choisir un instrument qui respecte le principe pollueur payeur. Ce principe est d'ailleurs inscrit dans les textes Européens, même s'il n'est pas forcément respecté.


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5.6 Capture de la réglementation

Les décisions en matière de politique environnementale sont prises au nom du bien collectif, dans un cadre d'incertitude important et peuvent avoir un incidence redistributive conséquente. Dans ce cadre il est tout à fait possible de justifier des choix par la recherche d'une amélioration de l'environnement et qu'il s'agisse en fait de favoriser les intérêts de certains agents. Dans cette optique l'État n'est pas considéré comme une entité bienveillante mais comme un rassemblement d'individus qui peuvent avoir des intérêts particuliers. C'est le fondement de la théorie de la capture de la réglementation.

Certaines décision entrent dans ce cadre, comme par exemple l'interdiction qui a frappé le concorde pour cause de bruit, qui était plutôt une tentative de se protéger de la concurrence. Dans le même ordre d'idée après la crise de la vache folle la viande anglaise a été interdite en France pour des raisons qui étaient en partie protectionnistes. De fait les théoriciens de la capture de la réglementation préconisent d'enlever à l'État tout pouvoir de réglementer. Ce n'est pas une meilleure solution, l'absence d'intervention de l'État profitant également à certains agents.


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5.7 La place de l'économie dans la décision

Les méthode d'évaluation et de choix, ainsi que l'utilisation d'instruments minimisant les coûts que l'on vient de voir sont parfois présentés comme l'unique mode rationnel de régulation. Cette position n'est pas celle qui est défendue ici, étant donné les incertitudes et conflits sous-tendant les problèmes environnementaux. Il est possible pour certains agents, y compris l'État, d'utiliser une position dominante en expertise économique pour faire passer des régulations qui ont des objectifs redistributifs ou ne permettent pas d'améliorer réellement la situation.

Par contre ce cadre peut permettre de poser des questions précises sur l'efficacité, les conséquences redistributives et servir de language commun pour les négociations qui seront de toute façon rg'lées à un niveau politique. En particulier il semble important de poser ces questions pour éviter les décisions arbitraires guidées par une pure idéologie qui risquent encore plus d'être biaisées en faveur d'un groupe d'agents.


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