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4. L'évaluation des biens environnementaux


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4.1 Pourquoi évaluer

Dans certains cas il n'y a pas besoin d'évaluer la pollution ou la quantité d'externalité optimale. C'est le cas lorsque la pollution est toxique ou bien que l'on a décidé qu'une ressource naturelle devait être préservée à tout prix. Dans le cadre présenté ci-dessus ceci signifie que le bénéfice lié à la non émission de la première unité de pollution est plus important que ce que cette émission pourrait rapporter. Il faut déjà une forme d'évaluation pour fonder l'interdiction mais elle peut être aisée si une des alternatives apparaît comme meilleure quelque soit le niveau d'émission. Lorsque les agents ne respectent pas la réglementation, l'évaluation revient en catimini puisqu'il faut déterminer le niveau de la sanction a appliquer.

Lorsqu'un certain niveau de pollution ou d'externalité positive semble utile, le problème est plus délicat, car il va falloir comparer ce qui advient aux différents niveaux de production d'externalité. Il faut donc pouvoir évaluer les conséquence d'une externalité.


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4.2 Évaluation aux prix du marché

Lorsque les conséquences des externalités passent par des marchés, sous forme de bien vendus, de modification de rentabilité, alors un équivalent monétaire est disponible et il n'y a pas de difficulté insurmontable puisqu'il sera possible d'utiliser le prix du marché pour évaluer le coût ou le bénéfice marginal. Et les agents peuvent effectivement passer par un marché pour acheter ou vendre des biens, c'est même un équivalent matériel.

Cela ne veut pas dire que le choix du niveau de pollution est trivial, car l'effet en bien-être des coût ou bénéfice exprimés en équivalent monétaire, peuvent dépendre de l'agent considéré, un surcroît de revenu n'ayant pas le même effet sur tous les agents.

Par exemple, en reprenant le cas de la tannerie et de la fabrique de bière il semble pertinent d'évaluer les conséquences de l'externalité monétairement puisqu'il s'agit de baisse de production que l'on peut valoriser au prix du marché ou de dispositifs techniques de dépollution qui ont un coût monétaire. Ensuite il faudrait prendre en compte les effets d'équilibre général puisque les firmes sont impliquées dans d'autres marchés, par exemple la tannerie achète du cuir, embauche du personnel et les dispositifs techniques sont vendus par une autre entreprise. Et enfin il faudrait déterminer l'effet sur le bien-être de cette modification du revenu pour tous les agents concernés, c'est à dire les possesseurs des entreprises et les salariés.

Lorsque les prix ne représentent pas bien les préférences des agents, ce qui est le cas lorsque les marchés ne sont pas en concurrence pure et parfaite l'évaluation peut encore être compliquée. Quoi qu'il en soit cette évaluation reste possible, et pour des externalités localisées il est souvent possible de faire des hypothèses simplificatrices.


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4.3 Évaluation des biens hors marché

De nombreux biens environnementaux n'ont pas de valeur de marché. C'est le cas général des externalités qui impactent la directement la consommation des agents ou leur bien être, sans passer par un processus de production. Ainsi la pollution d'un cours d'eau qui est utilisé pour des activités récréatives de proximité n'est reflétée dans le prix ou la quantité d'aucun bien se vendant sur un marché.

Cette absence de marché et cette question de l'évaluation est d'ailleurs au centre du concept d'externalités, puisque l'absence de marché et d'évaluation va de pair avec la présence d'externalités non prises en compte dans les décisions (voir coût externe). Elle explique également la surexploitation de certaines ressources qui appraraissent comme gratuites.


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4.3.1 Les méthodes d'évaluation indirectes

Dans ce cas on essaie d'utiliser l'information présente dans les comportements des agents pour inférer la valeur des biens environnementaux. On peut citer la méthode des coûts de déplacement qui donne une approximation de la valeur présente d'un site en utilisant le coût du transport des individus venant le visiter. Un biais évident de cette méthode est que le voyage lui-même peut être source de bien-être, ce que seule une interrogation des agents peut révéler.

Il y a également la méthode des prix hédonique dans laquelle on essaie de déterminer, dans le prix d'un bien, ce qui correspond à des caractéristiques environnementales (faible pollution, vue…). Cette méthode souffre elle aussi de certains biais, les évaluations étant très sensibles aux spécifications des fonctions explicatives.

Des méthodes indirectes sont également utilisées pour évaluer l'effet d'une pollution sur la santé et la vie humaine. Par exemple le coût de la maladie peut être évalué au coût hospitalier auquel on rajoute la perte de production. Lorsque la vie des personnes est en jeu il faut également évaluer ce que l'on appelle le "prix de la vie". Ce n'est pas vraiment le prix de la vie, en fait c'est la perte liée à une mort survenant de façon prématurée. D'autre part ce n'est pas un coût individuel mais un coût statistique pesant sur la population à risque.

C'est bien évidemment une valeur sujette à de nombreuses controverses entre autres sur sa pertinence. En général on utilise la somme des revenus futurs de l'individu pour évaluer le coût de sa mort. C'est un procédé assez douteux, par exemple les inactifs n'ont pas de valeur dans ce cas, ce qui conduit à leur associer un revenu fictif, cette valeur dépend très fortement des projections que l'on fait du futur, et, lorsque l'on n'agrège pas tous les revenus futurs, les habitants des pays pauvres ont une vie qui vaut moins que ceux des pays riches.

Toutes ces méthodes sont assez fragiles mais il peut être nécessaires de les utiliser lorsqu'il s'agit de prendre une décision sur un niveau de pollution ou la préservation d'un site naturel.


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4.3.2 L'évaluation contingente.

La valeur associée à un bien environnemental peut n'être reflétée par aucun comportement ni prix. C'est par exemple le cas de la valeur de leg, qui est en jeu lorsqu l'on veut pouvoir utiliser un bien dans le futur ou que d'autres, en particulier nos descendants puissent en profiter. On définit également la valeur d'existence comme une valeur attachée au maintien d'un bien indépendamment de ses usages présents ou futurs et cette valeur ne peut s'obtenir autrement qu'en demandant aux individus ce qu'ils en pensent.

L'évaluation contingente est justement une méthode pour laquelle on s'addresse aux agents pour connaître leur évaluation d'un bien environnemental, c'est une méthode de révélation des préférences. Pour cela on leur demande combien ils seraient prêts à payer pour que ce bien soit conservé ou encore de combien ils voudraient être dédommagés si ce bien disparaissait. On dénomme ces sommes le consentement à payer et le consentement à recevoir. On peut demander la même chose pour une pollution, et on peut même le demander pour plusieurs niveaux de pollution, ou plusieurs niveaux d'utilisation du bien environnemental.

Cette méthode permet d'avoir une évaluation pour l'individu de la valeur du bien, qui de plus est déjà dans une unité permettant la comparaison avec d'autres évaluations, puisqu'elle est en unités monétaires. Elle est cependant sujette à de nombreuses critiques.


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4.3.2.1 Évaluation contingente et absence de marchés

Tout d'abord un certain nombre d'agents refusent de répondre, et ce parce l'unité monétaire est souvent perçue comme n'étant pas uniquement un étalon de valeur mais plutôt comme un pouvoir d'achat associé à une consommation de biens et services issus de l'activités industrielle, qui ne peut être utilisée pour les biens environnementaux qui sont de nature différente (biens publics ou externalités). Ce qui ne s'achète pas n'a pas d'équivalent monétaire.

Lorsque les agents acceptent de se préter au jeu, on remarque que pour des valeurs d'usage les résultats sont assez bons, en particulier si les agents ont l'habitude de payer pour des biens similaires, comme c'est le cas pour les activités récéatives, et dans ce cas les méthodes indirectes donnent des résultats assez proches de l'évaluation contingente.


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4.3.2.2 Les biais de l'évaluation contingente

Biais hypothétique

Lorsque les biens sont vraiment hors marché les résultats sont assez peu fiables, en particulier pour les valeurs de non usage. En effet les agents sont placés dans une situation de marché fictif et leurs manques de référence va avoir pour conséquence des réponses sans rapport avec les choix qu'ils feraient dans une situation rélle. C'est le biais hypothétique. Ce biais peut être mesuré s'il est possible de mettre en place parallèlement à l'évaluation contingente une situation dans laquelle les agents peuvent effectivement révéler leurs préférences, comme par exemple une vente aux enchères.

Biais lié à l'administration du questionnaire

Les agents sont alors très sensibles au contexte informationnel, à la relation avec l'enquêteur, l'ordre des questions. Il s'agit en effet de construire une valeur à pour un bien qui n'en a pas, et le contexte va influencer cette construction, c'est un biais lié à l'administration du questionnaire.

Biais stratégique

Il y a ensuite ce que l'on appelle le biais stratégique qui apparît pour les biens publics. En effet, si les agents ne paient pas réllement ce qu'ils déclarent comme consentement à payer ils ont intérêt à l'éxagérer. Dans le même ordre d'idée leur perception des coûts, et des disponibilités à payer des autres agents vont influencer leurs réponses. Par exemple si les agents pensent que ce n'est pas à eux de payer, ils vont donner un consentement nul ce qui ne correspond pas à leurs préférences.

Biais d'inclusion

Ensuite il y a le biais d'inclusion. En particulier pour des biens environnementaux qui ne sont pas du quotidien de l'agent, par exemple des espèces à protéger, que l'agent pense être importants. Dans ce cas la valeur déclarée va être celle donnée à l'ensemble des biens d'une certaine catégorie et non à un bien précis. Ceci se traduit par un consentement à payer indépendant de la quantité de bien protégé. Ou encore par le fait que la somme des consentements pour divers biens dépasse largement le consentement à payer pour les biens agrégés. Ce biais semble être causé par le sentiment d'agir pour une bonne cause. En effet les agents attribuent une somme forfaitaire pour cette cause, ce qui conduit au biais d'inclusion. L'agent considère qu'il est en situation de don, et non de transaction ce qui fait que c'est son consentement à donner pour un oeuvre charitable qui est mesuré et pas ses préférences.

Effet revenu

Enfin un autre biais, provient de l'effet revenu. En effet le consentement à payer pour les biens environnementaux dépend de la situation courante de l'individu, et donc de ses dotations. En particulier les agents plus riches ont généralement un consentement à payer plus important que les agents plus pauvres, ce qui a pour conséquence de leur donner un poids plus important dans les évaluation que ce que donnerait une mesure directe du bien-être.

Connaissant tous ces biais, on peut interpréter la réaction des agents qui refusent de répondre en considèrant que l'absence de marché rend le résultat tellement peu fiable qu'il n'a pas d'intérêt à le connaître. Malheureusement il est difficile de connaître certaines valeurs autrement.


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4.3.2.3 L'évaluation contingente en pratique

L'évaluation contingente est utilisée pour déterminer le niveau des dédommagements suite aux dommages infligés aux ressources naturelles, en particulier aux États-Unis, et ce depuis la marée noire de l'Exxon Valdez en 1989. A cette occasion une controverse importante avait eu lieu entre les victimes de la pollution, favorables à cette méthode pour prendre en compte tous les dommages et Exxon qui la décrivait comme trop incertaine. Cette controverse n'est toujours pas terminée, mais les instances judiciaires ont pris acte qu'il fallait utiliser ce type de méthode pour évaluer la valeur totale des préjudices, en particulier pour ce qui concerne la valeur de non-usage.


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4.4 Identification des agents concernés

L'évaluation des effets d'une exteralité suppose que l'on connaisse à la fois tous les producteurs et tous les receveurs de l'externalité. C'est une tâche qui peut être très difficile lorsque les sources d'externalité sont diffuses. C'est le cas des pollutions diffuses d'origine agricole qui se retrouvent dans les nappes phréatiques. Les victimes de la pollution atmosphérique peuvent également être difficiles à identifier.

De façon générale, pour connaître l'effet d'une externalité de type pollution, il faut déterminer les modes de dispersion des polluants, leurs transformations chimiques et leurs effets sur les écosystèmes naturels. Cette évaluation requiert donc des moyens scientifiques et techniques importants qui laissent souvent des zones d'incertitude.


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4.5 Information imparfaite

La question de l'évaluation peut être compliquée par l'existence d'une assymétrie d'information. En effet certains agents peuvent avoir des informations privées qui sont pourtant nécessaires pour une évaluation correcte de l'effet des externalités. On a déjà vu ce cas au niveau du biais stratégique de l'évaluation contingente. En fait les coûts et bénéfices doivent généralement être déterminés avec la participation de l'agent. Par exemple les entreprises connaissent beaucoup mieux que quiconque leurs coûts réels de dépollution. Les bénéfices de non usage des ressources environnementales sont des informations strictement privées.


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